Vers Noël 2000, Romain est allé voir Olive pour lui parler du désir de Nicolas de faire un film sur son père qui était hospitalisé. Nicolas a convaincu Romain de tourner ce film en lui disant que, bizarrement, c'était la première fois qu'il parlait avec son père. Puis il y a eu la visite de ce sans-papier à Romain. L'idée de tourner quelque chose sur ce racket s'est chevauchée avec la maladie du père de Nicolas.
Romain : " Pour moi, le projet était de tourner tous ensemble et j'ai dit à Olive qui était réticent : on va y penser tous les six, rien n'est écrit, tout va évoluer au fur et à mesure, mais si tu n'y es pas, tout change... Et ça change à tel point que ça n'a plus le même sens pour moi, ça ne rime plus à rien... "
Sur le sujet, ils étaient tous d'accord : ils sont tous allés aux manifs pour les sans-papiers car ils sont tous sensibles à cette cause. Romain n'avait aucun dialogue écrit et il avait besoin de pouvoir filmer sans se faire voir. Ils ont eu l'idée de la poussette-vidéo. Il n'y a pas de scénario et ce ne sont pas des acteurs.
Nicolas : " Il y avait au départ ce double engagement, d'abord celui de notre amitié et celui par rapport au problème des sans-papiers ; si nous sommes restés amis si longtemps, c'est bien parce qu'il ne peut y avoir aucune ambiguité dans notre réaction à tous face à ce genre de problèmes, qu'on soit militants ou pas. "
Olive : " Ce qui montre que notre amitié et notre complicité sont solides, c'est qu'il y a entre nous une valeur commune : l'antifascisme. "
Romain : " ce que j'ai retrouvé dans ce film, c'est exactement le même état d'esprit que celui des premiers films en 8mm qu'on faisait avec Coyotte et Baptiste quand on avait 14 ans, exactement le même plaisir sans aucune interrogation pour savoir si cela allait servir ou pas : se retrouver pour le plaisir d'être ensemble. "

Dans tous les films de Romain Goupil, il y a toujours en toile de fond quelque chose de politique. Dans " une pure coïncidence ", l'enjeu est double : agir par amitié d'abord, poser les questions ensuite et, s'agissant de soixante-huitards, choisir le politique pour terrain d'action, ici, suite à l'appel des cinéastes de 1997, les sans-papiers. Pour autant, le film ne se réduit pas à la conjonction de ces deux moteurs narratifs : la maladie, les anniversaires, la place des pères interfèrent et sur l'amitié qui génère les robinsonnades et sur ce qui perdure du militantisme des années 70. Le film a été tourné avec des caméras vidéo numériques. Elles rappellent le super 8 dans l'usage familial qui en est fait. Ce film pose la question du film militant et en propose une résolution : du sérieux de l'engagement reste le respect de la cause pour laquelle on s'embarque. Romain Goupil et ses compagnons gardent le savoir-faire des militants qui se sont intéressés très tôt à la vidéo pour servir leur engagement.

Romain Goupil a débuté comme assistant opérateur de 1970 à 1973 puis comme assistant réalisateur de 1974 à 1990 pour Robert Ménégoz, Nelly Kaplan, Jacques Deray, Coluche, Chantal Akerman, Roman Polanski, Jean Luc Godard. Après plusieurs courts-métrages, il se lance dans le long en 1982. Il a longtemps milité dans la Ligue Communiste. Il a consacré " Mourir à 30 ans " à l'amitié pendant les années activistes. En 1989, il réalise " Maman " avec Anémone et " A mort la mort ! " qui traite de la génération Sida. Avec " Une pure coïncidence ", Goupil renoue avec les films d'activistes tournés en DV. Parallèlement à sa carrière de réalisateur, il est également acteur.
Filmographie de Romain Goupil

Courts-métrages
1968 : " L'exclu " " Ibizarre "
1969 : " Le père Goupil "
1980 : " Coluche président "
1981 : " Je sais pas, je sais pas "
1987 : " Madame Lita "
1989 : " Je me souviens pas "
1989 : " Amnesty, écrire pour l'oubli "
1990 : " Les petits amants "
1993 : " Lettre pour eux "
1995 : " Lettre pour lui "
Télévision
1987 : " Avignon : lieux et publics "
1988 : " Un jeune homme rangé "
1991 : " Parking "
1994 : " Paris est à nous "
1996 : " Sa vie à elle " (Prix Europa)
Longs métrages
1982 : " Mourir à 30 ans " (Caméra d'or-Cannes 1982. césar de la meilleure première oeuvre)
1983 : " La java des ombres "
1989 : " Maman "
1993 : " Lettre pour L... "
1999 : " A mort la mort "

Romain Goupil a également joué dans certains de ses films comme " A mort la mort ", " Lettre pour L. " mais aussi plus récemment dans " Vénus Beauté institut " de Tonie Marshall, " La bande du drugstore " de François Armanet, où il interprétait le rôle du père d'Aurélien Wiik.

Mai 2002